Posté : 26-05-2001 21:07
Commencer aujourd'hui
même à raconter mon expérience de biosynthèse, c'est relater
une aventure très personnelle, celle de quelqu'un qui, à la suite d'une prise
de conscience d'un trop long "mal-être", accepte petit à petit, la
nécessité, l'évidence d'une remise en question. Une impression de luttes incessantes, et
inefficaces, d'oubli de soi, d'insatisfaction, de confusion (cette impression de s'être
engagé dans une impasse ou dans un labyrinthe) me conduit enfin à
l'acceptation d'un besoin, d'in désir, celle de recevoir une aide pour réagir et
me remettre en chemin. Dès le début, l'enthousiasme renaît, il s'agit
pour moi de reconquérir l'instant présent, se réapproprier le temps,
apprécier chaque moment, "être là". Incroyable découverte
d'un art de vivre qui ne s'acquiert pas si facilement, mais c'est pour moi une
révélation qui trouve un écho dans plusieurs de mes occupations
préférées (peinture, natation, navigation, contacts avec les
enfants...), activités qui ne permettent pas d'être là et ailleurs.
De cette exigence qu'il faut encore et toujours réactualiser renaît une
perception, une évidence qui date de l'enfance, une compréhension de
certaines émotions, jusqu'à présent restées
inexpliquées et la clef d'un état entre aperçu parfois comme des
"moments de grâce". Je fais resurgir cette image de Wolfgang Laib
réalisant ses "pierres à lait" et je saisis maintenant pourquoi cette image
magnifique pouvait me bouleverser jusqu'aux larmes, c'est l'admiration d'un état, qui
m'apparaissait comme inaccessible, celle d'un être entièrement
présent dans la magnifiscence d'un geste. C'est aussi cette authenticité de
l'être que je perçois dans les tableaux de Tapies et qui me touche
profondément. Trésor des images, "du musée personnel".
De
cette exigence renait également une écoute, un regard qui me permettent
de s'éloigner d'un état de confusion, de ressassement, d'un
conglomérat de convenances et de croyances qui semblent tisser une toile qui
m'emprisonne dans des comportements supposés attendus. J'ai fait ce que je
m'imaginais que mon entourage attendait de moi... Et la remise en cause est encore
là, inconfortable. Le doute s'installe, le refus, la résistance ("les vieux
démons" veillent). Il faut revenir à l'acceptation de soi, calmer les reproches,
découvrir la bienveillance, réaliser que l'on a oublié de respirer -
étouffement de soi, et révolte intérieure et répercussions de
cette souffrance sur l'entourage et les êtres aimés. Je
réapprivoise le vécu de l'instant, en préparant cette pomme
coupée pour Antoine; je fais l'expérience d'inventorier les gestes et les
sensations, interdisant à mon mental son habituelle escapade vers de multiples
chimères et le banal s'éclipse du quotidien; porte ouverte à
l'émerveillement, à la contemplation. "Est-ce moi qui atteint un but ? ou le
but qui m'atteint ? " (Lit Tapiès dans une video) Et au même
moment le doute : Est-ce que je deviens barge ? Où est-ce que tout cela me
mène ? Est-ce raisonnable ? Est-ce que je ne développe pas un
système de pensée qui m'isole ?... Désarroi, difficulté à apaiser le questionnement,
retour au présent : Etre là. Antoine déguste sa pomme tout entier
dans le plaisir de la manger. Les enfants ont ce pouvoir, à quel moment le
perdent-ils ? Par moment, j'ai eu l'impression
que les choses allaient trop vite, faut-il vraiment changer ? Est-ce que cela me fait du bien
? J'épie les regards et le miroir aussi,
cherchant confirmation. Et puis il y a eu aussi,
la crainte de la manipulation, entretenue par le ton des cassettes du Mastery Life d'A.
Robbins qui a éveillé en moi plus de réticences par la forme que par
le fond, je n'aime pas trop l'écrire mais il vaut mieux le mentionner : la crainte d'un
embrigadement, d'un bourrage de crâne, d'une sorte de conditionnement collectif
éveillent en moi un recul. Non, je ne veux pas appartenir à ce groupe de
personnes qui me paraissent artificiellement dynamisées, je me méfie des
foules qui absorbent l'individu... Curiosité, intérêt; écouter juqu'au bout, mais
désir d'éloignement, n'est-ce pas une attitude qui me tient depuis
longtemps ? Acquérir une certitude,
effacer le doute; retour au calme, sentir le sol sous mes pieds, respirer. "Activité
incessante du mental", images de ces ballons de baudruche gonflés à
l'Hélium toujours prêts à s'envoler, je me rattrape dans l'embrouillamini
de leurs fils, tire et me ramène à moi. Oeuvrer contre l'éparpillement
de soi, trouver une cohérence interne, il me semble que c'est la découverte
la plus importante de cette expérience. Ensuite peut revenir la confiance en soi, puisque la paix
intérieure, la sérénité sont devenues
accessibles. "je ne cherche pas, je trouve."
PICASSO "Cela vient tout seul..." si je sais
recevoir, accueillir. Apprendre à cultiver un état
de confiance, de disponibilité, de réceptivité, utiliser les techniques
reçues, tout ce dont j'ai besoin est là, à portée, plus
d'affolement ni de panique, ces quelques mots qui me venaient en bouche, malgré
moi "J'ai peur" n'ont plus de raison d'être et s'éclipsent d'eux-mêmes.
Récemment, je me suis servie d'un coupe-ongles; sans doute pour le
première fois, je constate que je ne ronge plus les doigts. Fierté enfantine.
Suis-je en chemin ? Le questionnement est incessant quelquefois minant ! Je me
rassemble, tire les fils, revient à la réalité de l'instant,
rééducation de soi-même. De tous les visages
observés à la dérobée, celui de ma mère descendant
la place du marché, visage encombré de soucis, celui de R. à
l'île de Batz, si malheureux dans la douceur d'un matin sans rides, de tous ces
visages, y compris le mien, témoins d'une douleur intérieure, d'un
emprisonnement, d'un fardeau, je garde la certitude de la nécessité de
l'instant. "L'instantané" des
photographes. J'engrange de multiples preuves, remparts contre l'incertitude.
L'élimination, phase dynamisante a coïncidé avec la
rupture d'une liaison longue de 14 années. Le bouleversement est là, bien
présent, par moments difficile à endiguer, canaliser mes émotions,
positiver, éviter le reniement, ne pas me laisser influencer par toutes les
suggestions émises par des personnes extérieures à mon histoire
et qui s'y investissent, s'en emparent, y projettent leurs propres angoisses, frustrations,
violences. J'essaie de me soustraire à l'inventaire, l'état des lieux d'un
désastre imaginaire ou convenu. De
nombreuses personnes me semblent avides de situations dramatiques, s'agit-il d'un
pessimisme ambiant "Fin de siècle" que relatent souvent les médias
? Je préfère les "planter"
là et me retrouver plus loin, en chemin, avec "douze sentiers" en
tête. Avancer, certes, j'avance, dans mon travail en quelques mois, j'ai fait
évoluer mon attitude pédagogique en accordant plus de liberté et
d'autonomie aux élèves. Le climat a changé, plus en confiance, je
m'investis plus naturellement a collègues ou en stage, plus sûre de moi,
j'ouvre les débats, livrant mes convictions sans craindre les critiques et les
jugements. J'entreprends plus facilement des
démarches qui jusqu'à présent me rebutaient. Je reçois
fréquemement des preuves d'adhésion et de sympathie. Beaucoup de
choses sont encore à mettre en oeuvre, mais c'est une nouvelle dynamique qui
s'installe, un avenir encore flou qui se profile. Mais tout n'est pas tous les jours aussi simple, cycliquement
réapparaissent des passages à vide, des états d'insatisfaction ou de
cafard qui s'installent et la décision de faire ce qu'il faut pour les déloger
tarde, comme si inconsciemment j'y tenais ! Il faut savoir
entretenir un état, ne pas s'oublier dans l'urgence du quotidien, être en
cohérence pour viser l'essentiel, acquérir de nouveaux automatismes et
croire en un avenir lumineux. Dans le contexte de la rupture,
l'élaboration du Plan de Vie m'a semblé difficile, maintenant que le
bouleversement s'estompe, les projets se dessinent facilement, le fait de les
répertorier et de les noter leur donne une réalité et ils s'imposent
mieux, certains se réalisent sans efforts. Il me semble que c'est une habitude
à réactualiser sans cesse, il me faut aussi, face à des
expériences nouvelles, modifier un automatisme ancien de recul et de repli. J'avais
souvent le réflexe de dire non, d'opposer des résistances, d'inventorier les
inconvénients et de prendre la fuite, il me semble que j'envisage maintenant les
oppportunités de manière plus optimiste et qu'en même temps de
nouvelles perspectives s'ouvrent, je sors de l'impasse ou du labyrinthe dont je parlais au
début de ce bilan. Anne M., Brignogan, le 20 mars 98 |